Nouvelle histoire d'Oxalys et Daphné - Le cheval qui voulait voler

12/11/2021

Un conte sur le fait de découvrir son talent et sur le pouvoir des histoires qui rapprochent

Te souviens-tu de Daphné ? Elle était chenille, la voici papillon, grâce à Oxalys, une mystérieuse créature ailée qui l'a accompagnée dans sa métamorphose. Depuis, Oxalys et Daphné ne se quittent plus. Ils explorent ensemble le monde à tire d'ailes... Ils volent dans le bleu, le gris, le rose et le noir du ciel. Ils tentent d'approcher les arcs-en-ciel mais ne parviennent jamais à les toucher. Ils jouent à cache-cache dans les nuages et laissent le soleil couchant teinter leurs ailes de couleurs chatoyantes. La nuit, ils dansent sous les étoiles et rêvent de se reposer sur la lune... Aujourd'hui, ils se sont arrêtés dans une prairie pour pique-niquer, quand soudain, ils entendent un bruit bizarre...Ca fait snif-snif-huuuu-u-hue, snif-snif-huuuu-u-hue. Bon, c'est une approximation bien sûr, ce n'est vraiment pas facile à reproduire des sanglots entrecoupés de hennissements tristes. Un cheval gris qui broute à quelques pas de là relève la tête et s'ébroue d'un air méprisant.

"Il n'a jamais été tout à fait normal, vous savez"

- Brrrrrr, c'est encore Kayan... dit-il. Depuis qu'il a entendu l'histoire de Pégase, le cheval ailé, il s'est mis en tête de voler... Il est complètement fou ! TAIS-TOI KAYAN !

- Il a l'air très triste, dit Oxalys.

- Oui, il n'arrête pas de pleurer, ça nous tape sur les nerfs, répond le cheval.

- Vous avez essayé de parler avec lui ? demande Daphné.

- Il ne veut rien entendre... Il fait des bonds ridicules et manque de se fouler la cheville chaque fois qu'il retombe. Quand on essaie de lui expliquer que c'est insensé, que les chevaux ne volent pas, il répond seulement que lui, il veut voler... Il n'a jamais été tout à fait normal, vous savez...

Trouver la bonne approche

Et le cheval gris se détourne pour aller brouter quelques pâquerettes un peu plus loin.

- Je trouve que les autres chevaux sont très durs avec Kayan, dit Daphné.

- Ils ne le comprennent pas, répond Oxalys.

- Je voudrais l'aider Oxalys, dit Daphné en battant des ailes.

- Tu crois que c'est possible ? demande Oxalys d'un air songeur.

- Bien sûr! Je lui dirais qu'il ne doit pas être triste, que Pégase est un cheval de légende qui peut voler, mais que lui Kayan, il peut galoper très vite ! Aussi vite que le vent !

- Hum... Je ne sais pas si c'est la bonne approche, dit Oxalys...Tu te souviens quand tu étais une chenille... Tu étais désespérée de ne pas pouvoir voler. que m'aurais-tu répondu si je t'avais dit : « Mais tu peux ramper, c'est super ! Tu peux grimper sur toutes les fleurs ! » ?

- Tu as raison... Je t'aurais envoyé paître ! Ça m'était bien égal de ramper. Moi, je voulais voler !

"Être prisonnier dans son corps"

Kayan s'est rapproché. Il ne trotte pas comme les autres chevaux. Il avance en sautillant de manière un peu comique, mais en fait ce n'est pas drôle.

- C'est terrible de ne pas pouvoir voler, dit Daphné en s'adressant à Kayan.

- Qu'est-ce que tu en sais ? Toi, tu voltiges toute la journée ! répond le cheval blanc avec mauvaise humeur.

- Quand j'étais une chenille, je n'avais qu'une envie, m'élever dans le ciel et être libre de me déplacer partout. Je pensais que je ne me métamorphoserais jamais, répond Daphné. Le pire, c'était cette sensation d'être prisonnière dans mon corps.

L'étalon s'est arrêté et a écouté avec attention.

- Moi aussi j'ai l'impression d'être prisonnier, dit Kayan plus détendu, prisonnier de ce pré, avec ces autres chevaux qui me prennent pour un dingue et se moquent tout le temps de moi.

Le cheval des héros et des poètes

- Tu es fort différent d'eux... Ton modèle, c'est Pégase, c'est ça ? demande Daphné.

- Oui, Pégase le cheval des héros et des poètes... répond Kayan d'un ton rêveur.

- Tu peux un peu nous en parler ? demande Oxalys. Je ne connais pas bien son histoire.

Les yeux de Kayan s'illuminent.

- Si vous me lancez là-dessus, je risque de ne plus pouvoir m'arrêter...

- Vas-y, Kayan. Daphné adore les histoires, même si parfois elle s'endort au beau milieu, dit Oxalys avec un clin d'œil. N'est-ce pas, Daphné ? .

- C'est tellement tu es soporifique, Oxalys, répond Daphné du tac au tac avec un grand sourire. Vas-y Kayan. J'ai hâte d'entendre ton histoire !

Oxalys et Daphné s'installent confortablement sur une souche d'arbre tandis que Kayan les emmène dans son histoire.

- Pégase, c'est un cheval de la mythologie, une histoire qu'on racontait il y a très longtemps. C'était un bel étalon blanc avec des ailes splendides, comme celles d'un ange.

- Waouaw ! On pouvait monter dessus ? demande Daphné.

- Il était très fier, Pégase. Il n'acceptait pas d'être monté par n'importe qui, explique Kayan. Mais il a accepté que Persée soit son cavalier.

- Persée, c'était un héros ? demande Oxalys.

- Oui, il avait tué Méduse, une affreuse sorcière qui changeait en pierre ceux qui la regardaient, répond Kayan. Et depuis lors, Persée et Pégase volaient ensemble.

Sauver l'innocence

Et donc, poursuit Kayan après une longue inspiration, voilà qu'un jour, ils longent la côte d'Ethiopie et aperçoivent un attroupement sur le rivage. Curieux, ils atterrissent. Ils sont accueillis par le Roi et la Reine en personne. Les monarques sont en pleurs. Leur fille est au large sur un rocher, menacée par un terrible monstre, une sorte de poulpe, mais plein de dents acérées et d'écailles grises et froides.

- Oh, non ! C'est terrible ! s'écrie Daphné en se cachant les yeux derrière ses pattes.

- Oui ! Persée et Pégase sont très touchés et ils décident de sauver la princesse Andromède, poursuit Kayan.

- Elle est belle, cette Andromède ? demande Daphné.

- On raconte qu'elle n'est pas trop mal, mais moi vous savez, les humaines... répond Kayan d'un ton blasé. En tout cas, elle est sensible et intelligente. Mais pour le moment, Persée ne la connaît pas encore. Cependant ni lui, ni Pégase ne veulent laisser un monstre aux bras visqueux dévorer une jeune fille sans défense. Kayan s'arrête un instant.

Oxalys et Daphné sont suspendus à ses lèvres

"Et maintenant, fermez-les yeux..."

̶   Maintenant, fermez les yeux ! Imaginez Persée dans le soleil couchant sur le dos de sa magnifique monture, l'épée à la main. Il s'approche de l'endroit où se trouve Andromède. Son cœur se serre. Horreur ! Le monstre a trouvé le moyen de se hisser sur le rocher. Il tend ses tentacules à quelques centimètres de la princesse qui ne peut plus reculer. Oh ! Il va attraper sa cheville. Mais non, Pégase est plus rapide. Il est supersonique ! Il passe à gauche. Il passe à droite ! A toute vitesse ! Rusé, il se sert des reflets du soleil pour aveugler le monstre qui ne sait plus où donner de la gueule. Et chaque fois Persée abat sa redoutable épée.

Kayan emporté par son récit mime le combat. Il court, rue, saute de gauche à droite, esquivant des mâchoires fabuleuses, plongeant de côté, créant des ouvertures pour son cavalier imaginaire. Oxalys et Daphné le regardent ébahis. En racontant son histoire, Kayan EST Pégase.

- Finalement, conclut Kayan un peu essoufflé, après un combat titanesque, Persée décapite le monstre. Les gouttes de sang du monstre se transforment en une barrière de corail qui devint l'abri d'une multitude de poissons multicolores.

Quand Chronos étire les secondes...

- Et Andromède, elle est sauvée ? demande Daphné, les pattes encore tremblantes.

- Oui ! Pégase et son cavalier s'approchent d'elle lentement pour ne pas l'effrayer car elle a eu très peur. D'un coup de sabot, Pégase casse la chaîne d'acier qui la maintient prisonnière. Ensuite, il s'accroupit en pliant ses pattes avant et Persée tend la main à la jeune femme. Elle grimpe derrière lui sur le cheval qui s'élève dans le crépuscule.

Le chemin du retour ne prend que quelques minutes, mais il semble que Chronos, le Dieu du temps, étire les secondes pour permettre la naissance de quelque chose de très beau et de très fort. Andromède s'appuie sur le dos de son sauveur, serrant sa taille de ses bras délicats. Et Pégase se rend compte que le cœur des jeunes humains qu'il transporte bat plus vite. Tandis qu'il vole vers le rivage, Pégase réalise que son voyage avec Persée touche à sa fin. Mais il est heureux car il sent que son ami a trouvé sa place dans le monde. Et en effet, peu de temps après leur retour sur terre, Persée épouse Andromède dont il était tombé éperdument amoureux.

- Oooooh, fait Daphné qui a un cœur d'artichaut.

- Et Pégase ? Il est resté près d'eux dans leurs écuries ? demande Oxalys.

Des scènes qui prennent vie

- Et bien non, répond Kayan. Pégase, qui ne pouvait pas rester en place, décida d'aller demander une nouvelle mission à Zeus, le chef des Dieux. Zeus le chargea de porter la foudre et les éclairs et de conduire le char de l'Aurore qui tous les matins ramène le soleil.

- Quel honneur ! Il devait être drôlement fier et content, Pégase, s'exclame Daphné.

- Et bien, pas tant que ça... répond Kayan. Figurez-vous qu'il s'ennuyait un peu. Et donc le jour où un autre musclé, Bellérophon, l'attrape, il se réjouit. Ensemble, ils partent combattre la Chimère, une bête redoutable avec un buste de lion, un corps de chèvre et des pattes de dragon. Et en plus d'être moche, l'affreuse créature vomit des flammes par ses trois têtes ! Vous imaginez un peu !

Et Kayan se lance alors dans la description épique du combat. Il est tour à tour Pégase et la Chimère. C'est une véritable chorégraphie. Il danse la bataille du bien contre le mal. Et la scène prend vie sous les yeux d'Oxalys et de Daphné. Quel conteur ce Kayan ! Quand enfin, la Chimère est vaincue, Kayan pousse un hennissement triomphal, célébrant la victoire de Pégase et de son cavalier.

Des étoiles plein les yeux

- C'est une histoire merveilleuse dit Daphné, je comprends qu'elle te mette des étoiles plein les yeux !

- Tu ne crois pas si bien dire...répond Kayan. Je vois Pégase chaque nuit quand il n'y a pas de nuages, car après tous ces exploits, Zeus pour le remercier le transforma en une constellation. Ses étoiles brillent pour tout le monde...

- Kayan, tu as vraiment un don pour raconter les histoires.... dit Oxalys.

- Oh oui ! répondit une voix derrière la souche.

Rêver et faire rêver

Oxalys et Daphné se retournent. C'est le cheval gris qui a parlé. Il n'est plus du tout méprisant. Et derrière lui, tout le troupeau est rassemblé... Kayan, emporté par ses histoires n'avait pas remarqué qu'ils s'étaient rapprochés.

̶  Tu nous as bien fait vibrer Kayan, continue le cheval gris. J'ai adoré t'écouter, ça m'a transporté...

Kayan est tout ému. Le compliment lui va droit au cœur.

- Kayan, tu es différent c'est sûr et ta différence est un don ; tu es un cheval qui rêve et fait rêver, dit Oxalys.

- Oui, reprend Daphné, tu as des ailes Kayan, celles de l'imagination ! Elles peuvent t'emmener très loin et tu peux embarquer avec toi tous ceux qui t'écoutent !

Kayan à présent pleure à chaudes larmes. Il ne sait pas pourquoi au juste. Toute sa tension s'évacue. Il pleure de soulagement d'être compris, d'être entendu. Et plus que tout, il pleure de joie car les chevaux voyant ses larmes se sont doucement rapprochés de lui et le touchent de leurs museaux. Il n'est plus seul...

- Mais elle est où alors cette constellation ? dit une toute petite voix.

- Mais oui, elle est où ? reprennent en chœur d'autres petites voix.

Dans l'herbe, il y a des lapins, une famille de hérissons, cinq ou six oiseaux, des araignées, une taupe et quelques vers luisants... Et désormais, vous savez quoi ? Tous les soirs, Kayan tient ce petit monde en haleine avec des histoires de héros chevauchant des légendes, mais aussi de princesses qui sauvent des princes, de petits poissons perdus dans l'océan, de papillons qui passent de l'autre côté de l'arc-en-ciel...

Son imagination n'a pas de borne. Il est libre Kayan

© 2021 Gaëlle Thibout Nivelles Belgique 
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